Voici une incroyablement rare bague romaine à intaille trouvée par un heureux client de la Boutique du Fouilleur avec son Teknetics Eurotek. Que représente t-elle et pourquoi ?

Pas besoin de se ruiner pour faire parfois des découvertes fabuleuses. Cet heureux détectoriste équipé d’un simple Eurotek à 169 € a eu la chance de sortir de terre une minuscule bague en or dont la taille indique qu’elle était portée par un enfant. Elle est ornée d’une intaille c’est à dire une pierre dure et fine gravée en creux qui pouvait parfois servir de cachet, ce qui n’est pas le cas ici. L’intaille ici est de couleur noire, il s’agit vraisemblablement d’une agate.

L’agate est une pierre semi précieuse qui doit son nom à une rivière de Sicile dans laquelle on la trouvait en abondance : l’Achates. De nombreuses intailles romaines ont été récupérées pour être montées sur des bagues pendant et après la Renaissance. Ici, il n’en est rien vu le style massif tant du corps que du chaton de la bague. La forme de la bague est assez rudimentaire ; elle serait donc antérieure au III e siècle qui a vu apparaître des formes bien plus sophistiquées avec 2 ou 3 chatons ou en pyramide ainsi que des anneaux bien plus travaillés et fins. Sur l’intaille, on peut apercevoir une divinité debout qu’il n’est hélas pas possible d’identifier car la gravure est assez grossière. Elle semble toutefois tenir quelque chose dans sa main tendue vers elle. Il ne s’agit pas d’un dieu guerrier comme Arès car aucune arme n’y figure. Il n’y a pas non plus de corne d’abondance.

À la fin de la République romaine au Ier siècle avant J-C il existe plusieurs centaines de dieux romains parmi lesquels 12 grands dieux comme Vénus, Mars, Apollon. Il y a des dieux rattachés aux familles, des dieux étrangers liés à des communautés vivant à Rome, sans oublier les divinités secondaires qui aident les 12 grands dieux dans leur action. En consultant une base de données de pierres à intailles antiques, j’ai trouvé plusieurs possibles correspondances. On peut apercevoir une sorte de boule au niveau de son bras qui se situe le long de son corps. Il s’agit d’une cape attachée à son cou mais enroulée autour du bras. Son autre bras est tendu et semble tenir quelque chose. Il pourrait s’agir d’un caducée. La divinité la plus probable est Hermès, messager des dieux, souvent représenté comme tel. Il est donneur de la chance, inventeur des poids et des mesures, gardien des routes et carrefours, il est le dieu des voyageurs, des bergers, des commerçants, des voleurs et des orateurs. Il s’agirait peut-être de Bonus Inventus (Bon Succès).

Cette divinité présidait à l’agriculture pendant la République romaine. Plus tard pendant l’Empire elle est associée au concept plus général de Réussite. On la retrouve représentée sur de nombreuses monnaies pendant les règnes des Flaviens et des Antonins. Cette divinité était vénérée partout dans l’Empire même dans les provinces ce qui explique qu’on a pu la retrouver en Gaule. De surcroît, on la grave très souvent sur des intailles ; Bonus Inventus était la figure la plus fréquente sur les 127 intailles trouvées dans la cache d’un bijoutier romain de Snettisham : on le trouvait sur 25 pour 100 d’entre elles !

Hermès, Bonus Inventus, les deux ont en commun la chance et des vertus dites apotropaïques c’est à dire qui détournent le danger. Les enfants romains nés libres portaient des pendentifs autour du cou appelées Bulla et ce jusqu’à l’âge de 17 ans. Ils contenaient des pierres et amulettes censées écarter les mauvais esprits (fascinatio). Elles étaient portées en dehors de la maison là ou les enfants étaient plus vulnérables au danger un peu à l’image d’une médaille de Saint Christophe patron des voyageurs, ce qu’est Hermès pendant l’Antiquité. Les bullae étaient en cuir ou bronze pour les plus pauvres, et en or pour les plus riches. Il est avéré que les enfants portaient d’autres bijoux apotropaïques comme des bagues en or. Les exemples les plus connus sont ces bagues décorées d’un Phallus, symbole de protection contre le mauvais oeil.

En résumé il s’agit donc d’une bague portée par un jeune enfant d’une riche famille afin de lui porter chance ; c’est donc une trouvaille extrêmement rare.